OTTAWA, le 10 novembre 2021—L’annonce récente de la tenue d’audiences pour l’autorisation d’un dépôt controversé de déchets radioactifs près de la rivière des Outaouais a suscité une vive réaction de la part des groupes de citoyens qui s’opposent à ce projet depuis cinq ans. Les audiences sont annoncées pour février et mai 2022.
Ces groupes affirment que l’évaluation environnementale n’a pas été menée correctement et que les audiences d’autorisation devraient être interrompues en raison des nombreuses et graves lacunes du projet. Dans une lettre d’août 2020 adressée au ministre des Ressources naturelles, la Première nation Kebaowek et le Conseil tribal de la nation Algonquine Anishinabeg ont demandé la suspension de l’évaluation environnementale, déclarant que « l’approche de la CCSN ne respecte même pas les normes modernisées du gouvernement du Canada en matière de consultation, d’engagement et de réconciliation avec les Premières Nations ».
Le permis autoriserait la construction d’un gigantesque monticule près de la surface* pour loger plus d’un million de tonnes de déchets radioactifs le long de la rivière des Outaouais, en amont d’Ottawa-Gatineau. Le site de Chalk River se trouve juste à côté de la source d’eau potable pour des millions de Canadiens et repose sur un substrat rocheux poreux et fracturé.
De nombreux groupes de citoyens, ainsi que des ONG, des Premières nations et plus de 140 municipalités en aval s’opposent au projet. Beaucoup affirment qu’il ne respecte pas les directives internationales visant à empêcher les déchets radioactifs d’entrer dans la biosphère. En tant qu’installation d’élimination, le monticule sera finalement abandonné.
« L’installation de gestion des déchets radioactifs ne les empêcherait d’atteindre la rivière des Outaouais » déclare Ole Hendrickson, chercheur de Concerned Citizens of Renfrew County and Area , ajoutant que « les propres études du promoteur démontrent que le dépôt devrait se dégrader d’ici 400 ans et que son contenu s’écoulerait dans les zones humides environnantes qui s’écoulent dans la rivière des Outaouais, à moins d’un kilomètre. »
Une fiche d’information produite par Concerned Citizens, basée sur les informations contenues dans l’étude d’impact environnemental du promoteur, identifie les matériaux qui seraient déposés dans le monticule, notamment :
· Des matériaux radioactifs tels que le tritium, le carbone 14, le strontium 90, quatre types de plutonium (l’un des matériaux radioactifs les plus dangereux s’il est inhalé ou ingéré), et plusieurs tonnes d’uranium et de thorium. Vingt-cinq des 30 radionucléides répertoriés dans l’inventaire de référence pour le monticule ont une longue durée de vie. Certains déchets dans le dépôt resteraient radioactifs pendant au moins 100 000 ans.
· Une très grande quantité de cobalt 60 provenant de sources radioactives retirées du service, qui étaient utilisées pour l’irradiation des aliments et les procédures médicales. Ces sources dégagent des rayonnements beta et gamma si intenses qu’elles nécessitent un blindage en plomb pour éviter une exposition dangereuse des travailleurs lors de leur manipulation. Selon l’Agence internationale de l’énergie atomique, les sources de Co-60 sont classifiées comme des déchets radioactifs de niveau intermédiaire, et la plupart devront être stockés sous terre.
· La décharge contiendrait des dioxines, des PCB, de l’amiante, du mercure, jusqu’à 13 tonnes d’arsenic et des centaines de tonnes de plomb. Elle contiendrait également des milliers de tonnes de cuivre et de fer et 33 tonnes d’aluminium, ce qui inciterait les charognards à creuser dans le monticule après sa fermeture.
« La soi-disant évaluation environnementale de ce projet est une imposture depuis le premier jour » déclare Johanna Echlin de l’Association des propriétaires de chalets d’Old Fort William (OFWCA), basée à Sheenboro, au Québec. Selon Mme Echlin, le processus d’évaluation présente de graves lacunes, notamment l’absence de consultation adéquate des peuples autochtones et l’absence de prise en compte des commentaires substantiels reçus du public. De plus, les règles ont été modifiées en cours de route au profit du promoteur.
« Le fait que des dates aient maintenant été fixées pour l’octroi de permis pour le monticule de déchets radioactifs est un signe de l’échec abject du gouvernement du Canada à écouter les centaines d’intervenants dans l’évaluation environnementale. Il est plus que temps pour le gouvernement d’intervenir et d’arrêter ce processus d’autorisation afin d’empêcher la contamination permanente de la rivière des Outaouais » déclare Mme Echlin.
Mme Echlin et d’autres personnes qualifient la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) d’un organisme sous l’«emprise réglementaire ». C’est-à-dire qu’il agit comme un « chef de claque » à l’égard de l’industrie nucléaire, ce qui nuit à son mandat de protéger le public et l’environnement. Elle ajoute :
« Nous ne sommes pas les seuls à parler d’emprise réglementaire. Le Comité d’experts en évaluation environnementale l’a signalé dans son rapport final au gouvernement Trudeau en 2017. » Un document obtenu par le Regroupement pour la surveillance du nucléaire note que la CCSN n’a jamais refusé d’accorder un permis au cours de ses 20 ans d’existence.
L’importation de déchets radioactifs dans la vallée de l’Outaouais à partir d’autres sites fédéraux (pour être placés dans l’installation) est un grand signal d’alarme pour les groupes de citoyens et les Premières nations. Ils disent que le site de Chalk River ne convient pas au stockage à long terme de déchets nucléaires. Selon une déclaration conjointe de la Nation Anishinabek et du Caucus iroquois, « Les rivières et les lacs sont le sang et les poumons de la Terre-Mère. Lorsque nous contaminons nos cours d’eau, nous empoisonnons la vie elle-même. C’est pourquoi les déchets radioactifs ne doivent pas être stockés à long terme à côté des grands plans d’eau. »
L’importation de déchets radioactifs dans la vallée de l’Outaouais a également été contestée par une résolution de la Ville d’Ottawa en avril 2021.
Les aspects économiques du projet soulèvent également de nombreux problèmes, selon Ole Hendrickson; son analyse conclut que l’installation ne réduirait pas la responsabilité de 8 milliards de dollars du Canada de nettoyer ses déchets radioactifs.
Des groupes de citoyens remettent en question le modèle d’exploitation des installations nucléaires du Canada par un entrepreneur sous-contracté par le gouvernement; ce modèle a été mis en place par le gouvernement Harper en 2015 et le contrat a été renouvelé par le gouvernement Trudeau en 2020. Dans le cadre de ce contrat, les coûts pour les contribuables canadiens sont montés en flèche et les décisions concernant les déchets radioactifs canadiens sont prises par des ressortissants et sociétés de l’étranger. Les groupes de citoyens ont demandé l’annulation du contrat et la création d’un organisme de gestion des déchets radioactifs au Canada, indépendant de l’industrie nucléaire, comme dans un certain nombre de pays européens.
* Appelé l’installation de gestion des déchets près de la surface (IGDPS) par le promoteur.
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Liens:
Nous nous excusons pour les liens en anglais ci-dessus; les ressources en français sont disponibles sur demande.
Le registre d’évaluation environnementale du monticule géant (IGDPS) se trouve à ce lien : https://iaac-aeic.gc.ca/050/evaluations/proj/80122?&culture=fr-CA
